Présentation du Séminaire, par le Docteur Olivier LABERGÈRE
« Chaque visage que prend la folie au cours des temps
dit la forme et la vérité de la corruption du monde. »
M. Foucault. Histoire de la folie à l’âge classique
Ce séminaire a été créé, dès notre accession aux responsabilités de Chef de pôle de psychiatrie adulte du C.H. de Gonesse en 2007, afin d’honorer la tradition d’enseignement théorico-clinique, qui constitue assurément, aux côtés du soin de nos patients, une des plus nobles et enrichissantes missions de service public de notre discipline.
Parallèlement à la transmission vivante de nos savoirs et pratiques thérapeutiques, ce séminaire s’est également voulu résolument engagé dans une réflexion critique sur les enjeux épistémologiques, politiques et sociétaux, qui façonnent les nouveaux visages parfois grimaçants de la psychiatrie contemporaine.
A la faveur d’une collusion sans précédent de l’hégémonie du paradigme neuroscientifique avec l’extension des impératifs vertueux de contrôle et de régulation de l’ordre social, notre discipline semble bien en effet aujourd’hui en voie de régresser vers son plus sombre passé asilaire et sécuritaire, mais aussi tendre à renouer avec ses troubles ambitions d’ingérence hygiéniste, à travers la gestion pharisienne et ubiquitaire de la « santé mentale » de la population et de ses « ressources humaines ».
C’est à la lumière de cet amer constat de l’essor d’une psychiatrie sans âme et bio-politiquement correcte, que nous avons souhaité dans ce séminaire interroger la légitimité de nos pratiques institutionnelles, en restaurant un dialogue fécond avec les sciences humaines.
Il s’agit dès lors moins pour nous de souscrire sans réserve à la distinction canonique, introduite par Dilthey à la fin du XIXème siècle, entre sciences de la nature, relevant de l’explication, et sciences de l’esprit ou sciences de l’homme, ressortissant à la compréhension, que de solliciter les apports de la philosophie, de l’anthropologie, de la sociologie ou de l’économie, pour nous aider à déconstruire les dispositifs de « savoir-pouvoir », qui gouvernent insidieusement les recompositions et les usurpations actuelles de notre champ clinique.
A titre d’exemple de cette démarche, nous ne saurions avoir la moindre complaisance envers la promotion récente d’une bien-pensante « psychiatrie humaniste » ou du Meilleur des mondes des programmes philanthropiques de « Santé mentale positive », dont les idéaux de bien-être psychique, d’épanouissement et de maximisation de l’efficience individuelle révoquent toute négativité en l’homme, afin de mieux servir cyniquement sa domestication et l’adaptation du « capital humain » aux intangibles lois marchandes du monde néolibéral.
C’est bien dans cette perspective que, sans dénier la pertinence d’autres abords complémentaires auxquels nous sommes volontiers ouverts, la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle demeurent les références éminentes de notre séminaire comme de notre exercice soignant, tant il est essentiel de rappeler, avec Lacan, que « L’objet de la psychanalyse ce n’est pas l’homme, c’est ce qui lui manque », offrant ainsi la chance d’accueillir, dans leur singularité, le sens et la part de vérité que la parole du patient nous adresse au-delà de ses symptômes.
Je tiens pour conclure à remercier chaleureusement tous les intervenants et acteurs, au premier rang desquels Sarah Journoud, qui ont généreusement contribué depuis 10 ans à l’audience et à la diffusion de ce séminaire public, auquel je souhaite une vie longue et prospère !
Novembre 2017 Docteur Olivier LABERGÈRE
Chef du Pôle de Psychiatrie Générale
C.H. de Gonesse