UBERISATION, PLATEFORMISATION, DESHUMANISATION : DES EFFETS DE L'INNOVATION NUMERIQUE SUR LE SOIN PSYCHIQUE
Séminaire animé par BENJAMIN ROYER
Vendredi 08 avril 2022, 11h30 ―13h, Salle de l’Auditorium
En 2019, l’ARS Nouvelle Aquitaine proposait de transformer les CMPP en Plateformes de Coordination et d’Orientation. Plus récemment, la plate-forme « Mon Psy » mise en place par le gouvernement entend permettre l’accès pour le plus grand nombre à des psychothérapie remboursées par la sécurité sociale selon certaines conditions. Dans un contexte moribond de casse généralisée des services publics et de désaffection des services de psychiatrie, les appels à l’innovation et la recherche de solutions à travers les nouvelles technologies pourraient prêter à rire tant elles paraissent déconnectées d’avec la réalité du travail quotidien des équipes de soin. Au détours d’une pandémie mondiale, qui ne semble pas vouloir finir, cela nous aurait probablement été bénéfique de rire un peu. Nous proposerons toutefois de comprendre en quoi tout cela est très sérieux et d’expliquer en quoi consiste l’Ubérisation des soins qui en découle.
La transformation des services publics en plateforme qui faciliterait l’accès à des prestations, et rendrait plus fluide les parcours des patients/usagers ne peut en effet se résumer à une simple question d’organisation. Elle importe avec elle tout un modèle économique issu de l’économie numérique à partir de certaines formes de pratiques cliniques économiquement valorisables. Au-delà des débats sur la neutralité prétendue de telle ou telle technologie dont il pourrait être fait, à l’occasion, un bon ou un mauvais usage, il est temps de reconnaître que derrière ces nouvelles technologies, se cachent des formes d’organisation tout à fait concrète du travail et, ce faisant, des formes sociales. Qu’il n’est possible des dissocier les méthodes de soin des structures économiques dont elles dépendent et que ce modèle économique des plates-formes a des effets sur les pratiques et sur les métiers.
Nous verrons ainsi que les nouvelles technologies, loin de répondre à la perte de sens du métier que ressentent actuellement nombre de soignants suite à des années de restrictions budgétaires et de rationalisation des coûts, ne peut tenir qu’une seule promesse : produire de la richesse en détruisant un travail qui avait jusqu’à présent été quelque peu épargné par les effets dévastateurs du capitalisme néolibéral.
AUTOUR DU CONFÉRENCIER :
Benjamin Royer est psychologue clinicien, il travaille en secteur de psychiatrie adulte, il est chargé d’enseignement à l’Université Paris Sorbonne et formateur dans des écoles de travailleurs sociaux.