Hassiba Bendjaballah, 55 ans, s’est formée au métier d’infirmière entre Alger et Paris, à la Pitié-Salpêtrière. Elle travaille depuis un an et demi à l’Unité de soins longue durée (USLD) du centre hospitalier.
Infirmière, une vocation ?
Hassiba Bendjaballah est infirmière depuis 1997. « Avant d’arriver en France, en 1993, j’avais étudié quatre ans en Algérie pour un diplôme d’auxiliaire médicale en anesthésie réanimation. J’ai ensuite fait ma formation à la Pitié-Salpêtrière, mais directement en troisième année, grâce à mon diplôme », se souvient la soignante de 55 ans. Son métier, elle a décidé de s’y consacrer dès son adolescence : « Le premier malade dont je me suis occupé, c’était mon grand-père, en Algérie, quand j’avais 13 ou 14 ans. C’est une vocation, une passion. Je voulais vraiment répondre aux besoins des patients, soulager leur douleur, me rendre utile ». Une fois son diplôme en poche, elle est partie travailler à la Clinique du bois d’amour, à Drancy. Puis elle a emménagé dans le sud de la France, à Antibes, où elle a été embauchée dans une autre clinique avant de devenir infirmière libérale, dans le Var, pendant 16 ans : « C’était beaucoup de travail mais c’est très enrichissant sur le plan professionnel. » Pour des raisons de santé, elle a ensuite décidé de travailler, à partir de 2018, dans un centre hospitalier, déjà en USLD. Une première expérience dans ce secteur. En 2020, elle revient en région parisienne, pour des raisons personnelles cette fois, et postule à l’hôpital de Gonesse.
Quelle vision du métier ?
Aujourd’hui, après toutes ces années, Hassiba Bendjaballah ne se voit pas faire autre chose, ni dans un autre hôpital. « J’ai rencontré de très gros problèmes, mais j’ai toujours cette joie à faire mon métier. Des fois il manque du personnel, ou du matériel, ou alors les messages passent mal, avec le patient, la famille, le personnel… nous avons à faire à l’humain. Moi, pour gérer le stress, je suis rigoureuse, je vais des choses les plus urgentes aux moins urgentes, j’arrive à prioriser, à prendre du recul. Ça s’apprend avec l’expérience. »
Travailler à l’USLD permet d’en apprendre beaucoup, professionnellement : « Souvent, on se dit : si je travaille en gériatrie, je vais perdre dans ma pratique ; c’est tout le contraire. Les patients ici ont des problèmes de santé multiples qui nous permettent d’avoir une vision globale de toutes les pathologies, c’est très formateur ». En outre, ce service « nous permet de planifier nos soins, de gérer dans le calme le déroulement de la journée, car nous voyons régulièrement nos patients. Ils sont de plus en plus âgés, avec beaucoup de troubles cognitifs ; la communication est différente, mais elle existe. Ce sont des patients qui ont besoin d’être rassurés, soignés, qui ont un vécu. »
Quel avenir pour ce métier ?
L’infirmière qui a déjà une longue carrière derrière elle, observe avec tristesse la crise des vocations. « C’est du gâchis, il y a un gros potentiel qu’on laisse partir. » Partagée entre deux cultures, (Hassiba Bendjaballah est de mère française et de père algérien) elle estime « que la France est devenue une société très procédurière, que cela peut paralyser. Si vous réagissez avec la peur, c’est très différent de quand vous travaillez avec un élan du cœur ». Ceci étant dit, elle reste positive : « Il faut apprendre à différencier ce qui nous a motivés à faire ce métier et les difficultés qu’on rencontre aujourd’hui pour pouvoir le faire. Mais ce qui vous anime, c’est cette foi, cette passion, ça ne peut pas partir comme ça. »